Le pôle Konzett de Lutzelbourg aurait pu devenir une friche industrielle. Un investisseur local en a décidé autrement en rachetant le site en 2014 afin de développer une machine de traitement de déchets à risques sanitaires et infectieux.
La machine de traitement des déchets hospitaliers est arrivée à Lutzelbourg hier matin et sera inaugurée aujourd’hui.
Le site industriel de Lutzelbourg (57), près de Saverne, produisait des allumettes au XIXe siècle. Puis des agrafes et trombones de bureau au XXe siècle. Après des rachats successifs par des groupes suédois (Rapid Staples) et américano-germaniques (Esselte-Leitz), l’activité économique s’arrête en 2012. Les bâtiments en entrée de ville dans lesquels tant d’habitants avaient travaillé restent alors désespérément vides.
« Un patient génère entre un et deux kilos quotidiens de déchets »
Jusqu’au rachat en 2014 par un investisseur, Hervé Bezold. L’enfant du village a un projet en tête : pour lui, le XXIe siècle sera l’ère de la haute technologie sur le pôle Konzett. Avec deux collaborateurs locaux, Marc Corriger et José Talide, il compte y développer une machine inédite de traitement par injection d’ozone de déchets hospitaliers à risques sanitaires et infectieux (*). Cette petite équipe a donc créé la société Clinical Environment Service (CES) et monté un partenariat avec l’entreprise américaine Clean Waste Systems qui a mis au point ce système par injection d’ozone. Par cet accord, cette dernière leur cède le marché européen et le bassin méditerranéen.
Les fondateurs de CES y voient un fort potentiel de développement économique. Ils prévoient d’ailleurs l’installation de cinq à dix machines courant 2018, puis dix à vingt par an par la suite : « Un patient génère entre un et deux kilos quotidiens de déchets et la tendance est croissante due aux principes de produits à usage unique, ou encore aux actes ambulatoires », note Marc Corriger, le responsable du projet pour CES. Le traitement de ces déchets – qui doit impérativement être effectué dans les 72 heures suivant leur émission – a un coût estimé entre 800 EUR et 1 000 EUR la tonne pour les centres hospitaliers. Plusieurs techniques existent déjà, mais ne seraient pas totalement satisfaisantes, d’après Marc Corriger. D’abord, le système par incinération : « Ça pose des problèmes techniques avec une saturation des installations existantes, et une directive européenne vise à l’interdire en 2025 ». Ensuite la désinfection par autoclave : « Son obsolescence est avérée, avec de gros problèmes d’effluents. » Enfin, la désinfection par micro-ondes « inefficiente et techniquement peu fiable ».
Électrifier de l’air compressé
La seule solution qui trouve grâce à ses yeux est évidemment la sienne, celle par injection d’ozone. Un procédé qui consiste à électrifier de l’air compressé pour transformer la molécule de l’oxygène O2 en O3, soit un stérilisant naturel « déjà utilisé pour l’eau potable ou l’eau des piscines », révèle Marc Corriger. Puis, en bon commercial, d’énoncer ses nombreux avantages : « Ce système est peu énergivore par rapport aux autres techniques, il n’y a pas de rejets ou d’effluents dans l’air ni dans l’eau, le niveau de désinfection est optimal, la sécurité pour les opérateurs et pour l’environnement est assurée, et le coût par kilo traité est inférieur de 30 %. »
Des arguments qui devraient convaincre hôpitaux et centres de traitement spécialisés. La machine, adaptée aux contraintes européennes et dénommée OMW 200, capable de broyer et stériliser 200 kilos de déchets par heure, peut être vendue (500 000 euros) ou louée à des hôpitaux ou des centres de traitement spécialisés.
L’hôpital de Saint-Avold sera le premier établissement français équipé. Il devrait récupérer d’ici la fin de l’année le prototype qui est arrivé hier à Lutzelbourg et qui servira ces prochains mois aux nombreux tests nécessaires pour décrocher l’homologation du ministère de la Santé. Ceci fait, les machines suivantes seront assemblées sur place. Le pôle Konzett servira également de « tour de contrôle », annonce Marc Corriger. C’est-à-dire que toutes les machines déployées en France ou ailleurs pourront être pilotées de Lutzelbourg et des équipes de maintenance pourront intervenir à distance ou sur place si nécessaire. Le plan prévisionnel prévoit ainsi l’embauche dans les trois prochaines années d’une vingtaine de salariés.
Avec l’ajout de la pépinière d’entreprises qui accueille plus de vingt firmes et près de soixante salariés dans les bâtiments inutilisés par CES, le site industriel de Lutzelbourg est actuellement en pleine renaissance.
Guénolé BARON (*) Sont traités : les déchets à risque biologique et infectieux, les déchets humains liquides, sang, les déchets pathologiques, les déchets contaminés, les déchets piquants ou coupants, les tubes d’aspiration, les déchets solides ménagers, etc.
© Dna, Mercredi le 12 Juillet 2017